Conflit israélo-palestinien

Des israéliennes luttent pour le droit des Palestiniens

Partout dans le monde, des femmes se battent pour la paix, avec les moyens du droit, de la communication, de la dénonciation. En Israël, la Coalition des Femmes pour la Paix a lancé une campagne « Qui profite de l’occupation? »

Cette campagne (1) vise à démontrer, en scrutant sur le terrain et dans les documents officiels, la manière dont des entreprises israéliennes et étrangères violent les droit les plus élémentaire des Palestiniens en exploitant les ressources des territoires occupés ou en aidant l’Etat d’Israël à maintenir par la force cette occupation déclarée illégale par les Nations Unies.

Dalit Baum, de la Coalition des Femmes pour la paix , des féministes alliées à la campagne internationale de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), a participé les 20 et 21 novembre 2010 à Londres au Tribunal Russel sur la Palestine (2), dont la deuxième session portait sur les complicités du monde des entreprises avec les violations du droit international et du droit humanitaire commises par Israël. La Coalition a dressé une liste d’un millier d’entreprises impliquées dans l’occupation de la Palestine. Il n’y a pas que les produits des colonies accaparés par les entreprises au profit des Israéliens, il y a le droit du travail pas ou mal appliqué, les pollutions multiples. Il s’agit d’une exploitation peu coûteuse pour les Israéliens qui bénéficient de systèmes fiscaux avantageux (20% des impôts seulement! ), de nombreuses autoroutes et qui ne doivent pas se soucier des déchets puiqu’ils les abandonnent sur place. Les entreprises sont alors plus compétitives. Ainsi, Soda Stream sur laquelle porte une campagne BDS, se plaint de la perte d’avantages fiscaux si elle doit déménager des territoires occupés.

On fait pression sur les Palestiniens afin qu’ils commercialisent leurs produits par le biais de sociétés israéliennes. Outre les dattes, un bel exemple est le vin provenant d’une seule colonie d’origine, des terres volées aux Palestiniens, mais commercialisé avec des étiquettes mentionnant des régions diverses d’Israël.

Dalit Baum raconte aussi ces emplacements en Cisjordanie où l’on abandonne les déchets médicamenteux, ces carrières de pierres pour les entreprises du bâtiment et qui sont en réalité des ressources naturelles non renouvelables volées à la Palestine. Elle évoque le projet de train Tel Aviv Jérusalem, réservé aux Israéliens, qui traverse deux fois la ligne verte (la frontière décidée par les Nations unies en 1967 et non reconnue par l’Etat d’Israël) car il est plus facile d’infliger les nuisances aux Palestiniens qu’aux Israéliens qui protestent.

L’oratrice démonte le système de de discrimination pratiqué par Israël dans les territoires occupés: les compagnies fournissent les mêmes services qu’ailleurs mais uniquement aux Israéliens et pas aux Palestiniens. Il s’agit bien d’une ségrégation ethnique structurée. Quant aux Palestiniens, ils ne peuvent accéder ni aux colonies ni à leurs services ou alors ils doivent obtenir un permis spécial pour y travailler en étant évidemment sous-payés.

G4S outil de la répression et des contrôles

Avec Merav Amir, Dalit Baum s’est aussi penchée sur le cas de l’entreprise de sécurité privée G4S. En 2002 elle a raté Hashmira qui assurait surtout la sécurité des colons. G4S était danoise, puis avec une participation britannique, elle est devenue la plus grande compagnie internationale de sécurité avec sa filiale israélienne totalement contrôlée par l’entreprise européenne. « The Guardian » a dénoncé ces services fournis aux colonies et G4S a décidé de quitter la Cisjordanie. Pourtant, les recherches de la Coalition ont montré un scanner dans un check point de Qalandia fourni par Hashmira et sa division technologie. D’autres scanners de corps (Safe View) et de bagages sont aussi fournis par Hashmira et une société américaine. Ils équipent les postes de contrôles du Mur, et ceux de Jérusalem en territoires occupés.

Dans ces brochures publicitaires, cette entreprise se vante d’installer des systèmes de sécurité dans des prisons situées au-delà de la ligne verte, où l’on trouve des prisonniers politiques palestiniens, où l’on sait que les détenus ne bénéficient d’aucuns droits, qu’il y a des femmes et des mineurs d’âge. Avec interdiction d’accès aux avocats palestiniens… Il s’agit donc bien de complicité avec des crimes commis en violation du droit international et humanitaire.

A présent, la Coalition des Femmes pour la Paix est confrontée à la grande menace visant toutes les activistes qui veulent le droit pour le peuple palestinien: une proposition de loi entend rendre illégal tout appel au boycott ce qui permettrait aux compagnies de trainer devant les tribunaux tout ceux qui les défient.

L’association des industries d’Israël a parlé de « terrorisme économique »! Le combat des femmes contre de telles puissances économiques ressemble à celui de David contre Goliath. Et pourtant, leurs coups portent là où cela fait mal: l’argent des profiteurs de l’injustice coloniale.

Gabrielle Lefèvre.

(1) http://whoprofits.org

(2) http://www.russelltribunalonpalestine.com : ce lien n’existe plus.

Qu’est ce que le Tribunal Russel sur la Palestine?

Ce texte est le compte rendu de la conférence organisée le 22/1/2011 par les Femmes pour la paix à laquelle sont intervenus Paulette Pierson Mathy Professeure honoraire de droit international de l’ULB et Membre du Comité belge d’appui du Tribunal Russel sur la Palestine ainsi qu’Hocine Ouazraf, juriste au Tribunal Russel sur la Palestine à Bruxelles.

Le Tribunal International Russel n’a aucun caractère légal, il est mis en place pour enquêter sur les crimes commis pendant les conflits et les juger au regard du droit international. Il agit comme un tribunal populaire des consciences  face aux injustices et aux violations du droit international qui ne sont pas prises en compte par les juridictions légales internationales ou qui, quand elles le sont, continuent de se perpétrer en toute impunité du fait du manque de volonté politique de la communauté internationale.

Historique

Lancé en 1966/67 à Stockholm et à Copenhague, pour juger les crimes commis au Vietnam par les USA, il a été organisé par Bertrand Russel (prix Nobel de littérature en 1950, pacifiste et adversaire de l’utilisation militaire du nucléaire) et par un groupe d’intellectuels éminents tels que Jean-Paul Sartre – qui en assurera la présidence -, Lelio Basso, Guenther Anders, James Baldwin, Simone de Beauvoir, Lazaro Cardenas, Stokely Carmichael, Isaac Deutscher, Gisèle Halimi, Laurent Schwartz,… Les USA ont été les premiers condamnés pour crimes de guerre et génocide au Vietnam ainsi que l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Thaïlande, la Corée du Sud comme états complices ayant fournis des troupes.

Il s’inspire du Tribunal de Nuremberg organisé en 1945 par les Alliés sur les crimes du régime nazi. Il se réfère à la Charte des Droits de l’Homme. Il a permis l’évolution du droit international et la consolidation des règles, certainement influencées par les luttes anticolonianistes et le mouvement anti-apartheid. Il a également permis une évolution progressiste des intérêts et des droits des peuples surtout d’Afrique et des pays colonisés, dans le contexte positif après 1960, avec un changement du rapport de force avec l’émergence des pays non alignés, l’OUA et du soutien par l’ONU du mouvement anti-apartheid. Aujourd’hui la Fondation pour la Paix Bertrand Russel parraine la mise en place du Tribunal Russel International sur la Palestine pour examiner les violations du droit international dont est victime le peuple palestinien, qui le privent d’un Etat souverain.

Le Comité de parrainage, à la base de l’initiative, est constitué par une centaine de personnalités dont 6 prix Nobel pour la paix, mais à la base ce sont surtout Leyla Shahid, Ken Loach, Nuri Peled qui ont lancé le Tribunal Russel sur la Palestine à Bruxelles le 4 mars 2009. Il est composé d’un jury de 9 personnalités.

Ce Tribunal repose sur la participation contribution de personnes, d’associations et de mouvements populaires. Un réseau de comités nationaux d’appui a été créé en Allemagne, Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suisse et peut-être aussi au Congo et au Maroc. Les syndicats jouent un rôle important et font pression sur le syndicat israélien Histabruth, qui s’il refuse de changer, sera exclu de la Confédération Européenne des Syndicats. Il est prévu d’organiser 4 sessions internationales:

  • 1ère session à Barcelone, 1,2,3 mars 2010

Elle s’est tenue avec l’appui financier du gouvernement espagnol et de la Generalitat de Catalogne, sous la présidence de Stéphane Hessel, résistant de 93 ans et de grande autorité morale. Elle a étudié les complicités et manquements de l’UE et ses Etats membres dans la poursuite de l’occupation des Territoires palestiniens et les violations par Israël des droits du peuple palestinien.

Les points principaux débattus étaient: le non-respect des droits humains et des accords de coopération par l’Union Européenne, l’illégalité du mur, l’industrie des armements. Tous les Etats de l’UE sauf lespays scandinaves vendent des armes à Israël ce qui accélère la militarisation de la société israélienne, la complicité des USA, de l’UE et ses états membres, des Nations Unies et de certains états arabes dans le maintien de la situation « d’apartheid et de violence ».

  • 2ème session de Londres, 20,21 et 22 novembre 2010.

Elle s’est axée sur les complicités des firmes transnationales dans les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par Israël. Une trentaine d’experts et témoins ont démontré comment les entreprises participent à l’effort d’occupation et de colonisation des territoires palestiniens: exemples, fourniture de pièces aux usines d’armements israéliennes, le rôle des banques. Certaines ont leur siège en Belgique: Caterpillar (bulldozers), la banque Dexia qui a subventionné la création de colonies israéliennes, Davide Brown, sociétés de gardiennage comme G4S (sécurité, tortures, production, sécuritaires), Veolia France construisant le tram et la gestion de l’eau, les Fonds de pension norvégiens PFZW), Agrexco, Soda Stream,…

Une importante campagne d’actions de boycott a été lancée et soutenue par les syndicats, et des différences sont faites entre les produits faits dans les colonies et en Israël.

La 3ème session se déroulera en octobre 2011 en Afrique du Sud sur l’applicabilité du crime d’apartheid à Israël en ce qui concerne son traitement des Palestiniens dans les Territoires palestiniens occupés et en Israël. Le peuple sud africain et surtout l’ANC soutiennent et transmettront toute leur expertise au peuple palestinien.

La 4ème session aura lieu à New York sur la question des complicités USA et le système de l’ONU.

Fotoula Ioannidis

Info: secrétariat international du Tribunal Russel sur la Palestine, 115 rue Stévin – 1000 Bruxelles Tel/Fax:        02/231.01.74