Non au retour des aiguilles à tricoter

Non au retour des aiguilles à tricoter

Des intégristes catholiques prétendent protester  vendredi à 17h30 devant le Planning Aimer Jeunes, 28 rue Saint-Jean Néconumène 1000 Bruxelles contre les crimes d’avortements.

Un peu partout en Europe ils tentent de remettre en cause les lois dépénalisant l’avortement. La dépénalisation de l’avortement n’encourage pas celui-ci mais n’ajoute pas des conditions hygiéniques déplorables et des risques d’emprisonnement à une décision déjà pénible.

« Femmes pour la paix » a été depuis des décennies à l’avant-garde de ce combat pour le dépénalisation de l’avortement, notamment  aux côtés du Dr Peers.

Nous protestons contre l’idée qu’on puisse remettre en cause cet acquis des femmes et les renvoyer  aux avortements clandestins, pratiqués hors du milieu hospitalier et parfois avec les méthodes les plus barbares.

Nous ne voulons pas de retour aux aiguilles à tricoter, aux infections, aux matrices perforées.

Nous nous étonnons en outre que ces catholiques; si soucieux de la vie des embryons, ne se soient pas retrouvés à nos côtés lorsque nous manifestions contre les bombardements de la Libye qui ont fait tant de morts civils.

Pour « Femmes pour la paix »,

Anne Morelli, Présidente.

 Ici, un article paru dans Le Soir.

Le Soir

Manifestation anti-ivg devant un planning

Société « Pro-life » avait mobilisé… dix militants

L’ASBL Génération pour la vie a été autorisée à manifester pour « commémorer les victimes des IVG de 2011 », vendredi à 17 h 30, devant le planning Aimer Jeunes, rue Népomucène, à Bruxelles. Pancartes de fœtus déchirées et giboulée de tomates : l’accueil réservé par une centaine de contre-manifestants à la dizaine de manifestants « pro-life » a été salé !

Le centre avait fermé ses portes à 16 heures pour soustraire les femmes qui viennent avorter à de prévisibles intimidations et culpabilisations. « Nous avons envoyé un courrier resté lettre morte au bourgmestre de Bruxelles pour qu’il retire cette autorisation à manifester, déplore Cédric Pé, administrateur du Gacehpa (Groupe d’action des centres extra-hospitaliers pratiquant des avortements). C’est une première en Belgique francophone mais nos homologues flamandconnaissent déjà ce type de regroupements devant leurs centres d’avortement. »

Des pratiques répandues aux Etats-Unis, mais aussi en France jusqu’à ce que, en 1993, une loi qualifie de délit d’entrave à l’IVG ces types de manifestations proactives devant les institutions pratiquant l’avortement. « En faisant pression, explique Samia, de l’association Femmes pour la Paix, nous avons obtenu quelques mesures particulières comme l’imposition d’une distance de 50 mètres entre les manifestants et le centre. Mais il faut aller plus loin et interdire ces regroupements qui ont conduit à fermer des centres dans d’autres pays. »

Les anti-IVG gagnent en puissance. En mars, ils étaient 3.000 à défiler à Bruxelles, Mgr Léonard en tête. Depuis des mois, l’ASBL Génération pour la vie distribue des tracts, rue Neuve, tous les samedis.

Côté revendications, les jeunes « pro-life » interrogés ont été pusillanimes : « Oui, la plupart de nos membres sont chrétiens mais nous ne sommes pas une association religieuse. Nous militons pour la vie. » Tout en avouant qu’il préférerait que l’avortement soit interdit, Sébastien assure que « non, il ne milite pas pour l’interdiction de l’IVG mais pour ouvrir un dialogue : faire’ remarquer qu’il est banalisé et presque considéré comme une simple contraception, parler des alternatives comme l’adoption. » Enfin, il estime que « Il faut d’abord comprendre que le fœtus est un être en soi. Le pas suivant est de faire admettre que ce n’est pas à la femme de décider de son sort. »

Pour Julia, porte-parole de la plateforme pour le droit à l’avortement lancée cette semaine, « c’est un discours dangereux qui dépossède la femme de ses droits sur son corps. Aux Etats-Unis, cette logique mène à faire des procès à des mères qu’on estime responsables de leurs fausses couches. »

Ophélie Delarouzée, Le Soir, édition du samedi 17 décembre 2011.

Ici, le communiqué de « Femmes pour la paix ».

Etudes sur la santé en Palestine

The Lancet, journal scientifique médical britannique, a publié une série d’études décrivant les effets de l’occupation sur la santé publique en Palestine. Une de ces études souligne notamment les inquiétudes et le stress des femmes palestiniennes mais surtout les innombrables accouchements de femmes devant les check-point ou au bord de la route à cause des restrictions à la circulation de la population pour « raisons de sécurité ». De nombreuses femmes devant les check-point (10% entre 2000-2007) sur le point d’accoucher sont empêchées par l’armée israélienne de se rendre à l’hopital et on note ainsi, une hausse des naissances à domicile. Cette situation est alarmante pour la santé des femmes dont beaucoup meurent en accouchant tout comme leur bébé et s’il survit, devra vivre avec de nombreux handicaps faute d’aides médicales à la naissance.

Interview d’Anne Morelli

Mouvement pacifiste recherche militantes !

 « FEMMES POUR LA PAIX » EST UN MOUVEMENT NÉ EN 1949 MAIS EN PLEINE RECONSTRUCTION. LES MILITANTES DES PREMIERS JOURS SONT QUASI TOUTES DÉCÉDÉES. AUJOURD’HUI, UN PETIT NOYAU REPREND LE FLAMBEAU ET TENTE DE FAIRE REVIVRE L’UN DES PREMIERS BASTIONS DU PACIFISME FÉMINISTE EN BELGIQUE. LE MOUVEMENT DES « FEMMES POUR LA PAIX » EST UNE PETITE ORGANISATION MAIS ELLE A SU RÉSISTER AUX RAVAGES DES LUTTES ET DU TEMPS. MULTICULTURELLE, ELLE CHERCHE À SE MAINTENIR, S’AGRANDIR AFIN DE POURSUIVRE LE COMBAT QUE LES PREMIÈRES MILITANTES ONT PORTÉ DEPUIS PLUS DE 50 ANS.

PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE SAMBI NZEBA

 1. Qui sont à l’origine les « Femmes pour la Paix » ?

Après la 2e guerre mondiale, le monde était divisé en deux, miné par la Guerre froide. FPP a été créé par d’anciennes résistantes et des femmes refusant cette division et refusant d’être entraînées dans les tensions entre le bloc de l’Est et celui de l’Ouest. Malgré le nombre important de militantes communistes qui y étaient présentes, le « Rassemblement des Femmes pour la paix », comme le mouvement s’appelait alors, se présenta toujours comme un mouvement féminin politiquement neutre.

 Cependant, son action ne s’est pas limitée à l’actualité internationale : les droits des femmes, l’accouchement sans douleur, la grève des «femmes-machines» de la Fabrique Nationale de Herstal, la lutte pour le droit au travail des femmes mariées, le soutien au long combat pour la dépénalisation de l’interruption de grossesse, sont autant d’axes importants de son programme.

 2. Tant d’années après, est-ce que ce mouvement a toujours un sens ?

Je peux vous répondre par deux questions. La paix est-elle effective partout dans le monde ? Devons-nous accepter d’ intervenir partout dans le monde pour défendre les intérêts occidentaux ?

Notre rôle à nous c’est d’être des femmes pour la paix et non des femmes pour la guerre. Ne doit-on pas lutter contre l’envahissement des médias par la propagande de guerre  ? Il y a quelques mois encore Kadhafi était présenté dans les médias comme un personnage sympathique qui plantait sa tente dans les jardins de l’Elysée ! et aujourd’hui il est le diable contre lequel tout est permis, y compris aux dépens des civils libyens.

 Le diable c’est toujours l’autre : Saddam Hussein, Milosevic, Ben Laden…. On se laisse entraîner à courir toutes les guerres ! Le plus stupéfiant c’est qu’il y a même des femmes progressistes qui trouvent des excuses «…Cette fois-ci c’est vraiment justifié vous savez ». Jusqu’à ce qu’elles comprennent qu’on les a bernées par des mensonges : l’UCK qu’on a appuyée en Yougoslavie n’était pas fréquentable, Saddam n’avait pas d’armes de destruction massive…Et on apprendra sans doute demain que les « civils » libyens qu’on appuie n’ont rien de « civils ».

 3. Les femmes sont-elles plus pacifistes que les hommes ?

Non, pas du tout. Il faut évacuer ce préjugé qui voudrait que les femmes seraient naturellement plus pacifiques que les hommes parce qu’elles donnent la vie. Il y a des femmes qui prennent les armes, qui intègrent l’armée, qui sont tortionnaires. Qui le matin bercent leur enfant, le portent à la crèche et l’après-midi sont prêtes à tuer parce qu’on le leur a ordonné. Etre pacifiste, ce n’est pas une question de sexe, c’est privilégier d’autres solutions que la guerre.

 4. Mais vous dites quand même que comparées aux hommes, les femmes sont différemment concernées par les conflits armés…

 Notre rôle de pacifistes c’est avant tout d’apporter une réflexion, de démonter les arguments mensongers en faveur des guerres et de freiner les élans belliqueux. Mais je crois effectivement que les femmes doivent se faire entendre spécifiquement sur la question de la guerre ou de la paix. Il y a bien sûr des femmes combattantes, des femmes résistantes, et elles ne partent pas au combat armées de fleurs ! Mais depuis la nuit des temps, dans la plupart des conflits armés, les femmes sont victimes de guerres auxquelles elles n’ont pas participé et qu’elles n’ont pas voulues.  Un certain nombre de femmes qui ne s’intéressent pas nécessairement à la politique ou aux questions socio-économiques sont touchées par cette situation spécifique des femmes. C’est souvent extrêmement concret : les guerres détruisent inévitablement des foyers, mettent en péril et tuent de milliers de femmes et d’enfants qui sont les premières victimes civiles toutes désignées.

A travers ce prisme, beaucoup de femmes, d’origines culturelles diverses, peuvent s’intéresser aux conflits, à leurs causes, à leurs modalités et aux possibilités de les empêcher.

 5. Comment se porte le mouvement aujourd’hui ?

 « Femmes pour la Paix » est un mouvement  en pleine reconstruction. Les militantes des premiers jours nous ont quasi toutes quittées. Aujourd’hui, c’est un petit noyau qui reprend le flambeau et tente de faire revivre l’un des premiers bastions du pacifisme féministe. Nous avons, au-delà de notre petit bulletin de liaison, des projets plus vastes et notamment une grande journée de réflexion sur le thème « Les femmes sont-elles naturellemnt plus pacifiques que les hommes ? », qui réunira des intervenants de très diverses disciplines. Aujourd’hui, les « Femmes pour la Paix » se veulent aussi clairement représentatives de la Belgique multiculturelle. Mais nous avons besoin de forces vives, de femmes prêtes à s’engager contre les guerres et leurs inévitables concerts d’horreurs.

Campagne « F16 hors de Libye »

L’intervention en Libye, à laquelle participe la Belgique, a déjà causé plus de 30 000 morts. L’asbl Femmes pour la paix soutient la campagne F16 hors de la Libye lancée par Intal et appelle toutes les femmes à signer la pétition en ligne ou envoyer la lettre suivante aux Ministres et Parlementaires.

Nous voulons remettre 4500 signatures aux membres du Parlement le jeudi 29 septembre 2011. Chaque parlementaire recevra 30 signatures.

« La Belgique est en guerre en Libye et vous êtes responsables!

Chers Ministres De Crem, Vanackere, Chers Parlementaires,

Nous exigeons que la participation belge à l’attaque de l’Otan en Libye cesse immédiatement. Les F-16 belges doivent rentrer tout de suite.

  • La guerre en Libye a été présentée comme une guerre pour sauver des civils et pour la démocratie. Les motivations réelles sont en fait de pouvoir s’approprier les richesses de la Libye et de protéger les intérêts géo-stratégiques de l’Occident. C’est ce que nous apprennent les guerres en Irak et en Afghanistan.
  • Les civils tués en Libye et les centaines de milliers de réfugiés démontrent que les F-16 belges qui participent à l’offensive de l’Otan ne sauvent pas des civils mais au contraire font plus de victimes.
  • En ces temps de grande crise économique et politique, la Belgique arrive à décider en 1 journée de partir en guerre. Entamer une guerre ne constitue pourtant pas une « affaire courante ».
  • La guerre contre la Libye coûte chaque mois 5 000 000€ à la Belgique. Ceci correspond à un salaire mensuel brut de plus de 2000 enseignants ou infirmiers débutants.
  • Les problèmes en Libye doivent être résolus par les Libyens et ceci sans ingérence indésirée.

Nous exigeons que la participation belge à l’attaque de l’Otan en Libye cesse immédiatement. Les F-16 belges doivent rentrer immédiatement. »

Signer la pétition en ligne: http://www.intal.be/fr/node/10142

Femmes en Noir ou l’art de la protestation

Juillet 2011. Je suis chez moi assise tranquillement à siroter une boisson rafraîchissante et à lire « Causette », mon magazine préféré. Après avoir lu un article sur le football chez les SDF, je suis confrontée à une photo qui m’ interpelle. Un sentiment de déjà vu. Cette photo présente une femme, seule, vêtue de noir montrant un calicot sur lequel on peut lire « Murder is a crime. What’s war? ». Ce calicot est signé Women in Black.

Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études [1], je me suis intéressée au groupe de femmes Women in Black. Depuis, six années se sont écoulées et je n’ai malheureusement plus eu l’occasion de me replonger dans ce sujet. Aussi, voir cette photo dans un magazine destiné aux femmes non militantes, aux femmes de ma génération, magazine tiré à plus de 40 000 exemplaires, m’a remplie d’espoir. Les femmes militant pour un monde plus juste peuvent aussi être vues et entendues.

Mais, qui sont ces « Women in Black », ces « Femmes en Noir ». En 2006, lorsque j’ai écrit mon mémoire, il était difficile de trouver des informations sur ce mouvement car peu d’études avaient été réalisées sur le sujet.  Les informations, tant scientifiques que journalistiques, concernant les femmes sont très souvent orientées sur leur statut de victime et de « minorité » dans la société. Il n’a été mené que très peu d’études dont le but est de montrer que les femmes peuvent elles aussi avoir un pouvoir de décision pour changer l’état des choses.

Le mouvement des Femmes en noir est né en Israël lors de l’Intifada de 1987. La première nuit des affrontements, des hommes et des femmes de gauche se sont retrouvés en se demandant comment ils pouvaient mettre en scène leur opposition à l’occupation israélienne. S’inspirant des mères de la place de Mai en Argentine, ils décident de se rassembler sous la forme d’une vigie, habillés de noir. Au début ils n’étaient que sept (deux hommes et cinq femmes), mais petit à petit ils sont devenus de plus en plus nombreux et la nouvelle de ce nouveau rassemblement s’est répandue comme une traînée de poudre.  Finalement d’un groupe mixte, ce rassemblement est devenu entièrement féminin.

D’une manière assez graduelle, le mouvement des Femmes en Noir, initialement israélien, est devenu international. D’abord ce furent les Italiennes qui reprirent ce mode opératoire à leur compte, créant les « Donne in Nero ». Avec le début de la guerre en Yougoslavie, ce fut le tour des femmes de Belgrade de se dresser contre la guerre. De ces trois lieux de protestation s’est répandu un mouvement international présent aujourd’hui dans plus de 30 pays.

Ce mouvement des Femmes en Noir est donc un rassemblement de femmes pacifistes luttant activement contre les injustices, la guerre, le militarisme et toutes formes de violence.

Leur façon de manifester est très caractéristique et ressemble d’une certaine manière à une prouesse artistique. Certains l’appelleraient une performance, d’autres une mise en scène. Mais quoi qu’il en soit cette façon de protester ne peut passer inaperçue.

Elles veillent debout, habillées de noir, car le noir représente la violence en tout genre, autant physique que symbolique. « Nous portons le noir parce que nous exprimons notre deuil pour toutes les victimes de cette guerre et d’autres guerres, ces femmes et ces hommes que nous connaissons et ceux que nous ne connaissons pas. Nous sommes en noir parce que cette guerre a détruit des êtres humains et la nature, parce qu’elle a détruit les liens entre les gens, parce qu’elle a détruit les valeurs positives » (Extrait d’un tract des Femmes en Noir de Belgrade).

Elles veillent en silence, d’abord parce que le silence est le sort de beaucoup d’individus vivant en temps de guerre, de répression et de violence. Et ensuite parce que le silence montre leur volonté de ne pas exprimer des paroles vides de sens et par conséquent de ne pas agir comme le font les dirigeants des pays belligérants.

Malgré le côté informel et non hiérarchique de leur organisation, elles sont unies et organisées et ont  des dénominateurs communs qui les rassemblent.

  • Dans chaque pays où elles sont représentées, ces femmes manifestent sous forme de « vigies ». Ce terme vient du mot latin vigilare et signifie « veiller ».
  • Mais parfois leurs protestations peuvent prendre d’autres formes afin d’avoir un plus large champ d’action et des résultats plus importants.
  • Ensuite, pour se définir Femmes en Noir, il faut que le groupe proteste contre la politique de son propre gouvernement.
  • Finalement, afin de se soutenir et de s’encourager, elles se sont organisées autour d’un site internet www.womeninblack.org sur lequel il est possible de trouver de nombreuses informations intéressantes à propos des actions entreprises par ces femmes dans plusieurs pays. Effectivement, chaque pays, chaque culture a sa particularité propre, a sa problématique unique. Ces femmes expérimentent donc la réalité et ses conséquences de manière spécifique. Internet permet ici, comme dans beaucoup d’autre cas de militantisme, de pouvoir communiquer et de s’encourager les unes les autres. Savoir que nous ne sommes pas seules au monde à protester est un encouragement en soi.  Dernièrement nous avons vu des révolutions se déclencher sur de simples « tweet »[2]. Des centaines de milliers de personnes se sont encouragées à se dresser contre leur gouvernement. Elles ont réussi à faire ce qu’elles n’avaient jamais osé faire : protester. Les Femmes en Noir du monde entier se rencontrent donc virtuellement et trouvent dans internet un refuge grâce auquel elles peuvent communiquer, s’encourager et s’informer.

Cynthia Cockburn dans son livre « From where we stand. War, women’s activism & feminist analysis »[3], s’est intéressée au ressenti des femmes lors des vigies. Pour beaucoup d’entre elles, le simple fait de se trouver dans un espace public et d’exprimer exactement qui elles sont et ce qu’elles font (« Femmes contre la guerre ») est une source de satisfaction. De plus, pour certaines d’entre elles, cette forme de protestation, silencieuse et statique, peut être une sorte de pratique spirituelle, tandis que pour d’autres cela représente un poids lourd, comme quelque chose qu’elles doivent faire. Cockburn a recueilli le propos d’une femme italienne (traduction de l’anglais au français non officielle): « Je ressens le manque de connexion avec le public. C’est comme si nous venions de mondes différents. Cela me paraît donc évident de la distance qui nous sépare de la majorité et j’en souffre. ».

Protester contre son propre gouvernement peut amener à des situations dangereuses surtout lorsqu’il s’agit d’une nation en guerre ou d’un pays en proie à un violent nationalisme. Cette manière de protester demande donc  beaucoup de courage car se tenir droites, en silence, habillées en noir sur une place publique en pleine heure d’affluence, entourées d’hommes en armes, les expose dangereusement et les fragilise. Mais il ressort de l’étude de Cynthia Cockburn que la satisfaction de pouvoir dire les choses et de les exprimer est plus importante que le manque de sécurité.

Tout militantisme demande du courage car d’une certaine manière nous nous mettons à nu devant une masse uniforme. Il est plus facile de rester chez soi à regarder le monde évoluer sans nous que d’y participer. Il me semble que pour les femmes l’exercice est d’autant plus difficile puisqu’elles ont toujours été confinées dans l’espace intérieur et dans un monde de silence. Les femmes, qui constituent pourtant bien la moitié du monde, ont longtemps été oubliées dans la gestion des conflits armés. Malgré leur statut de victimes, elles n’ont pas de place dans les prises de décision qui accompagnent la prévention ou la résolution des conflits.  Ceci a heureusement tendance à changer et un retournement dans les prises de conscience commence à s’opérer. Au sein des Nations Unies, la résolution 1325 du Conseil de Sécurité fournit un cadre pour une réponse internationale sur l’intégration et la prise en compte des femmes dans les résolutions de conflits armés. Il y est écrit:

« Réaffirmant le rôle important que les femmes jouent dans la prévention et le règlement des conflits et la consolidation de la paix et soulignant qu’il importe qu’elles participent sur un pied d’égalité à tous les efforts visant à maintenir et à promouvoir la paix et la sécurité et qu’elles y soient pleinement associées, et qu’il convient de les faire participer davantage aux décisions prises en vue de la prévention et du règlement des différends. »[4]

Comme femmes nous avons un potentiel qu’il est important de développer. Que cela soit dans notre travail, dans notre famille ou dans le monde qui nous entoure, nous avons le droit de nous exprimer. Ce n’est pas une obligation, mais un droit. Pour celles qui se sont battues afin de nous donner une voix, mais aussi pour toutes celles qui aujourd’hui encore militent pour que nous soyons entendues en tant qu’actrices d’un monde en paix. Les Femmes en Noir, par leur action, sont un exemple pour toutes celles qui veulent agir.

 Danaé List



[1] Les femmes en noir, une conjonction du féminisme et du pacifisme, mémoire en sociologie, ULB.

[2] Un tweet est un message de 140 caractères maximum posté sur le réseau social tweeter

[3] COCKBURN C., From where we stand. War, women’s activism & feminist analysis, Zed Books, London, 2007

[4] S/RES/1325 (2000)