Le Soir

Manifestation anti-ivg devant un planning

Société « Pro-life » avait mobilisé… dix militants

L’ASBL Génération pour la vie a été autorisée à manifester pour « commémorer les victimes des IVG de 2011 », vendredi à 17 h 30, devant le planning Aimer Jeunes, rue Népomucène, à Bruxelles. Pancartes de fœtus déchirées et giboulée de tomates : l’accueil réservé par une centaine de contre-manifestants à la dizaine de manifestants « pro-life » a été salé !

Le centre avait fermé ses portes à 16 heures pour soustraire les femmes qui viennent avorter à de prévisibles intimidations et culpabilisations. « Nous avons envoyé un courrier resté lettre morte au bourgmestre de Bruxelles pour qu’il retire cette autorisation à manifester, déplore Cédric Pé, administrateur du Gacehpa (Groupe d’action des centres extra-hospitaliers pratiquant des avortements). C’est une première en Belgique francophone mais nos homologues flamandconnaissent déjà ce type de regroupements devant leurs centres d’avortement. »

Des pratiques répandues aux Etats-Unis, mais aussi en France jusqu’à ce que, en 1993, une loi qualifie de délit d’entrave à l’IVG ces types de manifestations proactives devant les institutions pratiquant l’avortement. « En faisant pression, explique Samia, de l’association Femmes pour la Paix, nous avons obtenu quelques mesures particulières comme l’imposition d’une distance de 50 mètres entre les manifestants et le centre. Mais il faut aller plus loin et interdire ces regroupements qui ont conduit à fermer des centres dans d’autres pays. »

Les anti-IVG gagnent en puissance. En mars, ils étaient 3.000 à défiler à Bruxelles, Mgr Léonard en tête. Depuis des mois, l’ASBL Génération pour la vie distribue des tracts, rue Neuve, tous les samedis.

Côté revendications, les jeunes « pro-life » interrogés ont été pusillanimes : « Oui, la plupart de nos membres sont chrétiens mais nous ne sommes pas une association religieuse. Nous militons pour la vie. » Tout en avouant qu’il préférerait que l’avortement soit interdit, Sébastien assure que « non, il ne milite pas pour l’interdiction de l’IVG mais pour ouvrir un dialogue : faire’ remarquer qu’il est banalisé et presque considéré comme une simple contraception, parler des alternatives comme l’adoption. » Enfin, il estime que « Il faut d’abord comprendre que le fœtus est un être en soi. Le pas suivant est de faire admettre que ce n’est pas à la femme de décider de son sort. »

Pour Julia, porte-parole de la plateforme pour le droit à l’avortement lancée cette semaine, « c’est un discours dangereux qui dépossède la femme de ses droits sur son corps. Aux Etats-Unis, cette logique mène à faire des procès à des mères qu’on estime responsables de leurs fausses couches. »

Ophélie Delarouzée, Le Soir, édition du samedi 17 décembre 2011.

Ici, le communiqué de « Femmes pour la paix ».

Interview d’Anne Morelli

Mouvement pacifiste recherche militantes !

 « FEMMES POUR LA PAIX » EST UN MOUVEMENT NÉ EN 1949 MAIS EN PLEINE RECONSTRUCTION. LES MILITANTES DES PREMIERS JOURS SONT QUASI TOUTES DÉCÉDÉES. AUJOURD’HUI, UN PETIT NOYAU REPREND LE FLAMBEAU ET TENTE DE FAIRE REVIVRE L’UN DES PREMIERS BASTIONS DU PACIFISME FÉMINISTE EN BELGIQUE. LE MOUVEMENT DES « FEMMES POUR LA PAIX » EST UNE PETITE ORGANISATION MAIS ELLE A SU RÉSISTER AUX RAVAGES DES LUTTES ET DU TEMPS. MULTICULTURELLE, ELLE CHERCHE À SE MAINTENIR, S’AGRANDIR AFIN DE POURSUIVRE LE COMBAT QUE LES PREMIÈRES MILITANTES ONT PORTÉ DEPUIS PLUS DE 50 ANS.

PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE SAMBI NZEBA

 1. Qui sont à l’origine les « Femmes pour la Paix » ?

Après la 2e guerre mondiale, le monde était divisé en deux, miné par la Guerre froide. FPP a été créé par d’anciennes résistantes et des femmes refusant cette division et refusant d’être entraînées dans les tensions entre le bloc de l’Est et celui de l’Ouest. Malgré le nombre important de militantes communistes qui y étaient présentes, le « Rassemblement des Femmes pour la paix », comme le mouvement s’appelait alors, se présenta toujours comme un mouvement féminin politiquement neutre.

 Cependant, son action ne s’est pas limitée à l’actualité internationale : les droits des femmes, l’accouchement sans douleur, la grève des «femmes-machines» de la Fabrique Nationale de Herstal, la lutte pour le droit au travail des femmes mariées, le soutien au long combat pour la dépénalisation de l’interruption de grossesse, sont autant d’axes importants de son programme.

 2. Tant d’années après, est-ce que ce mouvement a toujours un sens ?

Je peux vous répondre par deux questions. La paix est-elle effective partout dans le monde ? Devons-nous accepter d’ intervenir partout dans le monde pour défendre les intérêts occidentaux ?

Notre rôle à nous c’est d’être des femmes pour la paix et non des femmes pour la guerre. Ne doit-on pas lutter contre l’envahissement des médias par la propagande de guerre  ? Il y a quelques mois encore Kadhafi était présenté dans les médias comme un personnage sympathique qui plantait sa tente dans les jardins de l’Elysée ! et aujourd’hui il est le diable contre lequel tout est permis, y compris aux dépens des civils libyens.

 Le diable c’est toujours l’autre : Saddam Hussein, Milosevic, Ben Laden…. On se laisse entraîner à courir toutes les guerres ! Le plus stupéfiant c’est qu’il y a même des femmes progressistes qui trouvent des excuses «…Cette fois-ci c’est vraiment justifié vous savez ». Jusqu’à ce qu’elles comprennent qu’on les a bernées par des mensonges : l’UCK qu’on a appuyée en Yougoslavie n’était pas fréquentable, Saddam n’avait pas d’armes de destruction massive…Et on apprendra sans doute demain que les « civils » libyens qu’on appuie n’ont rien de « civils ».

 3. Les femmes sont-elles plus pacifistes que les hommes ?

Non, pas du tout. Il faut évacuer ce préjugé qui voudrait que les femmes seraient naturellement plus pacifiques que les hommes parce qu’elles donnent la vie. Il y a des femmes qui prennent les armes, qui intègrent l’armée, qui sont tortionnaires. Qui le matin bercent leur enfant, le portent à la crèche et l’après-midi sont prêtes à tuer parce qu’on le leur a ordonné. Etre pacifiste, ce n’est pas une question de sexe, c’est privilégier d’autres solutions que la guerre.

 4. Mais vous dites quand même que comparées aux hommes, les femmes sont différemment concernées par les conflits armés…

 Notre rôle de pacifistes c’est avant tout d’apporter une réflexion, de démonter les arguments mensongers en faveur des guerres et de freiner les élans belliqueux. Mais je crois effectivement que les femmes doivent se faire entendre spécifiquement sur la question de la guerre ou de la paix. Il y a bien sûr des femmes combattantes, des femmes résistantes, et elles ne partent pas au combat armées de fleurs ! Mais depuis la nuit des temps, dans la plupart des conflits armés, les femmes sont victimes de guerres auxquelles elles n’ont pas participé et qu’elles n’ont pas voulues.  Un certain nombre de femmes qui ne s’intéressent pas nécessairement à la politique ou aux questions socio-économiques sont touchées par cette situation spécifique des femmes. C’est souvent extrêmement concret : les guerres détruisent inévitablement des foyers, mettent en péril et tuent de milliers de femmes et d’enfants qui sont les premières victimes civiles toutes désignées.

A travers ce prisme, beaucoup de femmes, d’origines culturelles diverses, peuvent s’intéresser aux conflits, à leurs causes, à leurs modalités et aux possibilités de les empêcher.

 5. Comment se porte le mouvement aujourd’hui ?

 « Femmes pour la Paix » est un mouvement  en pleine reconstruction. Les militantes des premiers jours nous ont quasi toutes quittées. Aujourd’hui, c’est un petit noyau qui reprend le flambeau et tente de faire revivre l’un des premiers bastions du pacifisme féministe. Nous avons, au-delà de notre petit bulletin de liaison, des projets plus vastes et notamment une grande journée de réflexion sur le thème « Les femmes sont-elles naturellemnt plus pacifiques que les hommes ? », qui réunira des intervenants de très diverses disciplines. Aujourd’hui, les « Femmes pour la Paix » se veulent aussi clairement représentatives de la Belgique multiculturelle. Mais nous avons besoin de forces vives, de femmes prêtes à s’engager contre les guerres et leurs inévitables concerts d’horreurs.

La Libre Belgique

Un féminisme entre grands combats pacifistes et d’utiles actions émancipatrices

Le Rassemblement des Femmes pour la paix a fêté ses 60 ans par un colloque et par un ouvrage très bien documenté. Il reste plus que jamais fidèle à ses idéaux progressistes.

Un colloque qui a eu lieu la semaine dernière à Bruxelles mais aussi un livre particulièrement bien documenté et réalisé avec la collaboration de l’université des femmes évoquent les six décennies d’existence du Rassemblement des Femmes pour la paix qui fut un des fers de lance du combat féministe en Belgique.

Dès la fin de XIXème siècle, il est apparu qu’il y avait pour le moins des passerelles entre le pacifisme et les mouvements féministes. C’est que les deux combats se rejoignaient contre l’oppression et la violence et contre la guerre perçue comme un monde masculin. En outre, l’engagement des femmes dans le pacifisme n’avait fait que renforcer leurs revendications émancipatrices et égalitaires. La montée des périls avait vu déjà nombre de femmes s’engager au nom des idéaux progressistes avant le Seconde Guerre mondiale et tout naturellement, un grand nombre rejoignit la Résistance.

Avant même la fin de la guerre s’était alors créée chez nous une Union des femmes exprimant bien l’euphorie patriotique du moment, ce qui se confirma ensuite lors de la Libération.

C’était un mouvement réunissant des femmes de tous milieux et de tous horizons qui entendaient voir s’améliorer globalement leur quotidien. Elles finirent par obtenir certaines revendications dont, enfin, le droit de vote aux élections législatives mais elles avaient encore payé un lourd écot en vies humaines en 40-45. La paix revenue, leur belle unanimité fut cependant rapidement brisée par la Guerre Froide.

Il allait en surgir divers mouvements dont le mouvement des Femmes pour la paix qui se définit comme progressiste et démocratique. Avec notamment une importante présence communiste mais pas exclusivement.

Six décennies plus tard, le Rassemblement des Femmes pour la paix est toujours là mais entre-temps il a été de toutes les grandes luttes féminines – féministes… – récentes. Cette évolution a été évoquée la semaine dernière au Centre Amazone sous la houlette de l’historienne Marie-Thérèse Coenen, en collaboration avec d’autres spécialistes de la question.

Un livre remarquablement bien illustré et surtout bien documenté avec une noria de portraits de militantes prolonge la réflexion, rappelant que le Rassemblement des Femmes pour la paix avait rapidement élargi son action après s’être limité d’abord à l’analyse de la situation internationale.

Pour cause d’affrontements idéologiques entre l’est et l’ouest, le mouvement eut sa part de tensions, d’éloignements et de rapprochements. Mais le RFP se souda dans le combat pour les nouveaux droits des femmes.

Le livre rappelle avec forces détails la popularisation de l’accouchement sans douleur, la grève des « femmes-machines » de la FN Herstal, la lutte pour le droit au travail des femmes mariées ou encore, last but not least, le long combat pour la dépénalisation de l’avortement.

C’est donc un ouvrage à mi-chemin entre travail historique et travail de commémoration issu d’un dialogue entre historiennes et des militantes de terrain. Ce qui le rend terriblement vivant et bigrement actuel !

Christian Laporte, Un féminisme entre grands combats pacifistes et d’utiles actions émancipatrices, La Libre Belgique, jeudi 3 décembre 2009.