Encore une guerre « juste » ?

Combattre les djihadistes au Mali apparaît très généralement aux Européens une noble cause, comme le serait la lutte contre des tyrans disséminés de par le monde (Irak, Libye, Syrie, Mali…). Il faut arrêter l’offensive islamiste et détrôner les pouvoirs dictatoriaux.
Les innocents voient ainsi nos attaques armées contre des pays tiers ne nous ayant objectivement pas agressés telles que les médias nous les présentent, c’est-à-dire comme des « interventions humanitaires » destinées à sauver des civils en péril un peu partout.
Un des principes de la propagande de guerre est là clairement à l’œuvre. Pour emporter l’adhésion de l’opinion publique envers une guerre il ne faut surtout jamais lui parler de ressources économiques en jeu (les minerais du Niger proche du Mali) ou d’agendas géostratégiques (faire passer l’Irak, la Libye, la Syrie dans le camp occidental, ce qui irrite évidemment Russes et Chinois). Au contraire, il ne faut que de motifs nobles et moraux aux yeux européens comme la lutte contre les intégristes djihadistes.
Mais cette soi-disant lutte contre l’intégrisme est entachée de mensonge quand on a le mémoire un peu plus longue que celle des poissons rouges (trois secondes paraît-il !).

En Afghanistan ce sont bien les Occidentaux qui ont armé les fameux talibans. Et Irak Saddam Hussein était le « laïque » renversé par les Occidentaux au profit des pires religieux. Le scénario s’est reproduit en Libye (la charia y est la base du nouveau régime) et je n’ai entendu aucune menace d’intervention contre les pires régimes salaafistes : l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Bahrein dont les indéfendables dynasties sont soutenues par notre diplomatie malgré la répression sanglante qu’elles exercent contre leurs oppositions.
En Syrie les Européens (car les États-Unis n’ont pas envie de s’embourber dans un nouvel Afghanistan) soutiennent les djihadistes comme les « Faucons du Sham »¹ qui avancent à coups de destructions et de voitures piégées pour instaurer un État islamique.
La population syrienne souffre énormément mais les médias nous tiennent un discours moraliste éludant les atrocités commises par les « insurgés » dûment armés par les puissances voisines qui rêvent de disséquer ou annexer le pays et de l’islamiser. Notre ministre des Affaires Étrangères Didier Reynders s’est déclaré partisan d’une « intervention ».

Lorsque dans les années 1970-80 d’horribles dictatures ensanglantaient l’Uruguay, le Chili et l’Argentine je ne me souviens pas que nos ministres lançaient des appels pour les renverser.
Aujourd’hui ces « interventions » européennes se font sans réelle opposition ni parlementaire, ni populaire, ni en Belgique ni dans le reste de l’Europe.

Malaparte, dans un livre de souvenirs de la Première Guerre mondiale récemment paru en français², assure qu’en 1915 à Prato, les soldats italiens en partance pour le front autrichien furent insultés, couverts de moqueries et de crachats ; on jeta des pierres contre les trains chargés de soldats : Lâches, lâches ! Pourquoi allez-vous combattre ? Pourquoi allez-vous tuer ?

1. Parmi ces djihadistes il semble qu’Abdel Rahman Ayachi, originaire de… Molenbeek, joue un rôle important.
2. Viva Caporetto !, Les Belles Lettres, Paris, 2012, p. 50. Voir le compte rendu sur le site de F.P.P.

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